Ehren Cory : Merci de participer à notre plus récente édition de Structures, qui porte sur les enjeux liés aux infrastructures autochtones qui préoccupent de nombreuses personnes. Lorsque vous parlez aux responsables autochtones, quels sont certains des défis et des perspectives qui se présentent en matière de renouvellement et de modernisation de leurs infrastructures? 

SG : Les Premières Nations du Canada ont en commun de nombreux déficits en matière d’infrastructures dans leurs communautés, sur leurs terres et dans leurs réserves. Cela inclut des déficits tels que l’approvisionnement en eau, le traitement des eaux usées, l’Internet haut débit, le logement, les routes, les centres communautaires, les lignes de transport d’électricité, les sources d’énergie propres et fiables et les centres de santé. La question de savoir lequel de ces besoins en infrastructures est le plus urgent est une question unique qui doit être posée à chaque Première Nation et qui dépend de sa situation, de sa géographie, de son histoire, de ses priorités actuelles et de bien d’autres facteurs. Ce qui est commun aux Nations autochtones à travers le Canada, c’est qu’elles ont besoin d’occasions de générer leurs propres revenus afin de pouvoir faire des choix quant aux déficits en infrastructures à combler, et d’être en mesure d’utiliser leur propre processus de décision et d’autodétermination pour choisir non seulement ceux qu’elles construisent, mais aussi quand elles les construisent, où elles les construisent, et quelles sont les infrastructures ou les programmes qui sont prioritaires.

EC : La BIC a lancé son initiative pour la participation autochtone pour aider les communautés des Premières Nations, des Métis et des Inuits à acquérir des participations dans des projets. Quelle est l’importance de ce type de programme pour les communautés autochtones comparativement au rapport au nouveau programme de prêts aux Autochtones du gouvernement fédéral?

SG : L’initiative pour la participation autochtone de la BIC est essentielle aux Premières Nations pour obtenir des prêts participatifs pour des investissements dans des projets d’envergure au Canada. Dans cette boîte à outils globale, les choses qui aideront les Nations autochtones à surmonter les obstacles entourant l’accès à des capitaux à prix concurrentiel comprennent les programmes de garantie de prêts aux niveaux fédéral et provincial, les mesures de soutien de la capacité, les investissements du secteur privé, les prêteurs qui utilisent des taux concurrentiels et l’élaboration de politiques et de règlements qui limitent les investissements autochtones dans les grands projets. L’initiative pour la participation autochtone de la BIC est un élément très important de cette boîte à outils et dans le cheminement des Nations autochtones pour avoir accès non seulement à des capitaux à prix concurrentiel, mais aussi pour construire nos propres économies et nos propres sources de revenus. Ces revenus autonomes contribuent à nos objectifs d’autodétermination et à la capacité de revitaliser nos cultures, nos modes de vie, nos terres et nos eaux.

Plus précisément, l’initiative pour la participation autochtone de la BIC pourrait voir son mandat s’élargir afin qu’il ne soit pas nécessaire d’investir dans un projet pour qu’il y ait également un prêt participatif accordé aux Premières Nations. Nous suggérons que davantage d’options et de marge de manœuvre soient offertes aux Premières Nations pour que nous puissions avoir accès à des prêts participatifs en dehors des investissements de la BIC. L’initiative pour la participation autochtone profiterait également aux Premières Nations en étant indépendante du contexte sectoriel.

EC : Pourquoi les infrastructures sont-elles importantes pour la réconciliation avec les Autochtones?

SG : Il est important de comprendre le contexte dans lequel nous nous trouvons aujourd’hui afin de comprendre pourquoi les infrastructures sont importantes pour la réconciliation avec les Autochtones. La colonisation au Canada s’est caractérisée par la prise de terres autochtones et par une pratique constante consistant à mettre des projets économiques sur des terres autochtones sans consentement et souvent sans consultation. Ce sont les Premières Nations qui ont subi le plus gros des répercussions de ces projets. Historiquement, et encore aujourd’hui, les Autochtones ont tiré que très peu d’avantages économiques ou autres.

Simultanément, cette aliénation des terres traditionnelles, y compris les océans, les lacs, les rivières, l’air et les terres, qui sont les lieux traditionnels de longue date où des économies existaient avant le premier contact, a pratiquement mis fin à la capacité des autochtones à prospérer économiquement. Pour revigorer les économies, il faut faire face à cette vérité de ce qui a été enlevé aux Nations autochtones partout au Canada. Alors que le reste du Canada a bénéficié des projets économiques, d’infrastructures, d’extraction de ressources et de production d’énergie du Canada, les infrastructures dans nos réserves et sur nos territoires traditionnels se sont dégradées.

Des projets allant des infrastructures d’approvisionnement en eau et de traitement des eaux usées aux centres communautaires, en passant par les routes, les bâtiments et les maisons, tous ces éléments constituent les bases sur lesquelles il est possible de bâtir des économies, des entreprises et des moyens de subsistance autochtones, tout en élevant des familles. Ces infrastructures communautaires, ainsi que les occasions économiques, les revenus autonomes, les décisions fondées sur le consentement et l’autodétermination, constituent l’épine dorsale de la manière dont nous soutenons les générations futures pour que les Nations autochtones puissent prospérer. C’est pourquoi les infrastructures sont importantes pour la réconciliation avec les Autochtones.