Ehren Cory : Le transport en commun a subi des pressions pendant la pandémie, mais semble se rétablir. Pourquoi est-il important pour le Canada d’élargir les options de transport en commun aujourd'hui et comment la Banque de l’infrastructure du Canada (BIC) peut-elle contribuer au changement?

Josipa Petrunic : L'urbanisation rapide des villes nécessite une transformation de nos infrastructures afin d'en assurer la durabilité et l'adaptabilité à long terme.

Selon les prévisions, d’ici 2050, 70 % de la population mondiale résidera dans les villes, ce qui doublerait le nombre de véhicules sur les routes tous les sept ans. Compte tenu de cette tendance, les parties prenantes du secteur n'espèrent pas seulement que les sociétés de transport en commun retrouveront, voire dépasseront, les niveaux de demande antérieurs, mais elles s'y attendent. Toutefois, une augmentation de la fréquentation pourrait mettre à rude épreuve notre capacité actuelle et la disponibilité des véhicules de transport en commun.

C'est dans ce contexte que la BIC peut jouer un rôle central. En stimulant le changement et en favorisant les investissements dans l'expansion et la modernisation des systèmes de transport en commun dès maintenant, nous pouvons nous préparer à répondre à cette demande attendue. La BIC peut contribuer à ce que nos systèmes de transport en commun soient prêts à faire face à cette augmentation de la fréquentation et à adopter des technologies à faibles émissions de carbone tout en maintenant un service efficace et fiable pour tous les usagers.

EC : Les villes canadiennes, grandes et petites, prennent des mesures pour lutter contre les changements climatiques en remplaçant les autobus à moteur diesel par des véhicules sans émission et en élargissant l'utilisation des trains électriques. Quelle est l'importance des programmes de financement tels que celui proposé par la BIC pour développer des options de transport durable?

JP : La création d'un système de transport en commun efficace et durable nécessite une approche à multiples facettes. Nous devons intégrer des options de transport non traditionnelles et sans émission aux systèmes de transport existants. Un soutien financier adéquat est essentiel pour l'essai et la mise en œuvre de nouvelles technologies, ce qui peut être réalisé grâce à un soutien financier du gouvernement fédéral.

Pour créer un écosystème de transport véritablement connecté, nous devons combiner plusieurs éléments essentiels. Il s'agit notamment de modifier les infrastructures, d'adopter des pratiques innovantes en matière d’aménagement du territoire, comme les développements à usage mixte, et de créer un lien fluide entre les systèmes de transport en commun rapides, notamment les trains et les autobus rapides, et les systèmes non traditionnels, comme la micromobilité et les services sur demande.

Il est également important de construire des stations communes pour les traversiers ou les transports aériens, adaptées à des besoins géographiques précis. Cependant, la réalisation de ces objectifs nécessite une planification et des investissements minutieux. C'est pourquoi les programmes de financement tels que celui proposé par la BIC pour développer des options de transport durable sont d'autant plus importants.

EC: Comment le marché perçoit-il le rôle que joueront l'hydrogène et les carburants de remplacement dans la décarbonisation des transports au Canada? Comment les investissements de la BIC dans les fournisseurs d'hydrogène et de carburants de remplacement et dans l'achat d'autobus qui ne fonctionnent pas au diesel contribuent-ils à ces efforts?

JP : Le dernier rapport de l'Agence internationale de l'énergie (AIE) souligne que l'hydrogène à faibles émissions ne progresse que lentement et qu’il représente actuellement moins de 1 % de la production totale.

Toutefois, au Canada, la province de l'Alberta montre la voie en finançant des initiatives dans le domaine de l'hydrogène, notamment en soutenant les essais et la commercialisation d'autobus et de camions fonctionnant à l'hydrogène. Cette possibilité d'extensibilité est particulièrement importante compte tenu du coût élevé de l'hydrogène comme combustible, exacerbé par l'inflation et les perturbations de la chaîne d'approvisionnement.

Le chemin vers une accélération des progrès dans ce secteur passe par des projets pilotes complets et des essais à long terme pour les autobus à hydrogène, englobant non seulement la technologie elle-même, mais aussi l'ensemble de la chaîne d'approvisionnement en hydrogène, de la production au ravitaillement en carburant et à l'exploitation. Contrairement aux autobus électriques, les autobus à hydrogène nécessitent des essais approfondis et une formation rigoureuse pour garantir leur viabilité. En fin de compte, c'est l'augmentation du nombre d'autobus sur les routes qui fera progresser cette technologie révolutionnaire.