Les bâtiments constituent la troisième plus grande source d’émissions de gaz à effet de serre (GES) et de consommation d’énergie, représentant environ 18 % de la production de carbone du Canada, y compris la production d’électricité.

Le remplacement des fenêtres, l’ajout d’une isolation et la modernisation des systèmes internes peuvent faire une grande différence. Toutefois, pour réduire à grande échelle les émissions des bâtiments, il faut opter pour des réseaux d’énergie thermique pour les chauffer et les refroidir, affirme Bruce Ander, président et chef de la direction de Markham District Energy, réseau municipal en exploitation depuis 2000.

Selon lui, l’énergie de quartier, un système largement utilisé en Europe depuis au moins 50 ans et qui remonte aux bains chauffés à l’eau chaude de la Rome antique, est le réseau manquant. Plutôt que de doter chaque bâtiment de ses propres installations pour produire de l’eau chaude et de l’eau froide ainsi que de la climatisation, les structures sont reliées à un système de distribution souterrain en circuit fermé, appelé « réseau thermique ».

Les systèmes énergétiques de quartier réduisent les émissions de GES des bâtiments en utilisant des équipements CVC centralisés à haut rendement et des sources de combustible à moindre intensité de carbone, comme l’énergie solaire, la chaleur des égouts, la biomasse, l’eau froide des lacs et la chaleur souterraine. Un système à l’échelle communautaire peut plus facilement adapter les nouvelles technologies, car les coûts en capital initiaux plus élevés peuvent être partagés entre de nombreux bâtiments.

« Si vous voulez vraiment parler d’atteindre la carboneutralité d’ici 2050, si vous avez un centre urbain qui se développe, vous devez avoir une stratégie d’énergie thermique et il s’agit de l’énergie de quartier, qui est donc l’arme secrète, » a déclaré M. Ander lors d’un événement annonçant un partenariat de 270 millions de dollars avec la Banque de l’infrastructure du Canada (BIC) et la Banque CIBC visant à étendre son réseau énergétique de quartier dans la ville Markham, au nord-est de Toronto.

Markham District Energy et la ville elle-même ont pour objectif commun de parvenir à la carboneutralité d’ici 2050. Le financement de la BIC permet de réduire cette production de 35 000 tonnes, a-t-il ajouté.

Markham District Energy est le troisième partenariat de la BIC dans ce sous-secteur, ce qui porte le total de ses investissements à environ 1 milliard de dollars. Le partenariat avec Enwave, à Toronto, a été le premier et le important, à 600 millions de dollars, tandis que l’investissement dans Lulu Island, à Richmond, en Colombie-Britannique, a clôturé à 175 millions de dollars. Les dépenses en investissement totales pour ces projets s’élèvent à 2,5 milliards de dollars.

La Russie, la Chine et l’Union européenne sont les chefs de file en matière de chauffage de quartier, mais son utilisation au Canada s’est accrue au cours des dix ou vingt dernières années, en grande partie à l’initiative des municipalités, a déclaré Rob Thornton, PDG de l’International District Energy Association.

L’énergie de quartier constitue un élément clé du plan de la ville de Toronto visant à réduire les émissions des bâtiments et à atteindre son objectif de carboneutralité d’ici 2040. À titre d’exemple, le réseau d’Enwave Energy Corporation à Toronto extrait de l’eau froide des profondeurs du lac Ontario pour refroidir plus de 80 bâtiments au cœur du centre-ville.

Les systèmes énergétiques de quartier favorisent les économies d’échelle en regroupant les besoins de chauffage et de refroidissement de plusieurs bâtiments, ce qui permet d’investir dans des ressources à faible teneur en carbone et de partager l’énergie thermique entre des millions de pieds carrés de bâtiments connectés, ajoute M. Thornton.

« Par exemple, la chaleur d’une conduite d’égout ou d’un centre de données peut être récupérée et utilisée comme source d’énergie thermique, plutôt que d’être déversée ou rejetée, ce qui en fait une solution gagnante pour l’économie et l’environnement locaux. »

Depuis 2000, 2,7 milliards de pieds carrés d’espace ont été connectés à des systèmes d’énergie de quartier, principalement en Amérique du Nord et au Moyen-Orient, a-t-il précisé.

Le secteur privé, y compris les caisses de retraite, s’intéresse de plus en plus aux systèmes énergétiques de quartier existants parce qu’ils génèrent des rendements prévisibles et stables, a déclaré M. Thornton, soulignant la vente par Brookfield Infrastructure de son entreprise Enwave en 2021 pour environ 4,1 milliards de dollars, en partie au Régime de retraite des enseignantes et des enseignants de l’Ontario. Toutefois, les systèmes d’énergie de quartier ont de la difficulté à attirer le capital de croissance nécessaire pour étendre leurs réseaux et réaliser des économies d’énergie supplémentaires.

Bien que la valeur économique d’un investissement soit primordiale, les clients et les investisseurs s’attendent de plus en plus à ce que les sociétés se comportent de façon éthique et élaborent des stratégies en matière d’environnement, de responsabilité sociale et de gouvernance (ESG) et de durabilité, a ajouté M. Ander.

Selon M. Thornton, les banques d’infrastructure comme la BIC sont nécessaires en tant que participants au crédit en raison des risques initiaux associés à de tels programmes qui exigent des capitaux importants.

Une composante essentielle du mandat de la BIC consiste à créer des solutions de financement novatrices pour attirer des capitaux privés. Elle l’a fait avec la Banque CIBC en fournissant un montant suffisant pour faire face aux risques associés à la construction du réseau de Markham District Energy, qui entraînera une réduction annuelle importante des émissions de GES.

Le président-directeur général de la BIC, Ehren Cory, a déclaré que la création d’un partenariat de financement privé avec la société d’énergie de quartier appartenant à la municipalité représente la combinaison idéale pour la BIC, dont la mission première est d’accélérer le changement et de réduire les émissions de carbone.

Il affirme que la participation de la BIC permet au projet de Markham District Energy d’être « plus grand et plus audacieux » que ce qui aurait pu être fait au moyen d’approches traditionnelles.

« C’est une infrastructure à long terme qui nous prépare à un avenir carboneutre, » a-t-il dit. « Et il s’agit d’une infrastructure qui, sans un coup de pouce d’une organisation comme la BIC, se fait pièce par pièce. »

Lisa Raitt, vice-présidente, Banque d’investissement du réseau mondial, de la Banque CIBC et ancienne ministre fédérale du Cabinet conservateur, a déclaré que les partenariats public-privé seront de plus en plus nécessaires pour de nombreux projets d’infrastructure parce qu’ils sont nouveaux et très ambitieux.

« Il ne fait aucun doute qu’il s’agit d’une bonne affaire pour nous à la CIBC. Toutefois, la réalité, c’est que la présence de la BIC rend une grande partie de l’incertitude et du risque beaucoup plus facile à gérer pour le secteur privé. »